Soutien à Aung San Suu Kyi

ou pourquoi je n’irai pas en Birmanie

A l’occasion du réexamen le 25 mai 2007 de l’assignation à résidence d’Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix et prix Sakharov du Parlement Européen en 1991, la junte militaire de Rangoon (Myanmar) l’a à nouveau privée de liberté pour un an (Le Monde, 25 mai 2007).

Aung San Suu Kyi est la fille du chef historique de la libération birmane, le général Aung San, qui a négocié l’indépendance de la Birmanie avec les Anglais avant d’être assassiné en 1947 alors que sa fille Suu Kyi n’avait que deux ans. Sa mère, Daw Khin Kyi, s’engage alors dans les milieux sociaux et publics et gagne peu à peu une certaine importance dans le paysage politique du gouvernement des années 50 et 60, puis est nommée ambassadrice de Birmanie en 1960 à Delhi. Suu Kyi étudie à l’École anglaise catholique de Birmanie puis termine ses études secondaires en Inde, avant de suivre un cursus de philosophie, politique et économie à Oxford. En 1969 elle part à New York pour un second cycle d’études supérieures et travaille au secrétariat du Comité des questions administratives et budgétaires de l’ONU. Mariée en 1972 à un homme d’affaires anglais et mère de deux enfants, elle vit ensuite entre le Royaume-Uni et le Bhoutan où habite son mari, spécialiste du Tibet et de l’Himalaya.
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Photo : Unesco

En 1988, elle retourne en Birmanie pour prendre soin de sa mère mourante. Cette année-là, des manifestations éclatent dans tout le pays afin d’obtenir plus de démocratie et sont violemment réprimées par l’armée qui massacre plusieurs milliers de manifestants. Fortement influencée par la philosophie non violente de Ghandi, Suu Kyi entre alors en politique et participe à la création de la Ligue Nationale pour la Démocratie (LND) dont elle est secrétaire générale puis présidente. Elle est assignée à résidence le 20 juillet 1989, sans procès ni jugement. Les élections générales de 1990, mises en place par la junte militaire sous la pression populaire, sont largement gagnées par la LND qui obtient 82% des sièges au parlement, mais le résultat est annulé alors que Suu Kyi doit prendre le poste de premier ministre. En 1991, ses enfants reçoivent en son nom le prix Nobel à Oslo alors que Suu Kyi reste détenue, ayant rejeté l’offre de libération en échange de son retrait de la vie politique et de son départ de Birmanie.

Elle est libérée de sa détention surveillée en juillet 1995, tout en sachant que si elle quittait le pays pour rendre visite à sa famille au Royaume-Uni, elle se verrait refuser le droit de revenir en Birmanie. Lorsque son mari est atteint d’un cancer en 1997, le gouvernement birman lui refuse le visa pour rendre visite à sa femme et essaie clairement de faire partir Suu Kyi afin de s’en « débarrasser ». Suu Kyi ne reverra jamais son mari qui meurt en 1999, et reste séparée de ses enfants qui vivent toujours au Royaume-Uni.

En septembre 2000, elle est mise une nouvelle fois en maison d’arrêt. Le 6 mai 2002, après une négociation secrète entre les Nations Unies et la junte militaire, elle est libérée. Un an plus tard, alors qu’elle se rend dans le centre de la Birmanie, son convoi est cependant attaqué par un groupe paramilitaire payé par la junte au pouvoir. Beaucoup de ses supporters sont tués ou blessés lors de l’embuscade. Suu Kyi réussit à s’échapper mais est arrêtée un peu plus tard et est à nouveau emprisonnée le 30 mai 2003.

Le 28 novembre 2005, la junte militaire birmane prolonge de six mois son assignation à résidence en vertu de la loi de 1975 visant à « protéger l’État d’éléments destructeurs », ce qui permet d’emprisonner quelqu’un pendant cinq ans sans jugement.

Le 27 mai 2006, son assignation à résidence est prolongée d’un an, ce qui provoque l’appel de Kofi Annan au dirigeant de la junte militaire.

Cette assignation à résidence expirait le dimanche 27 mai. Elle a donc été à nouveau prolongée d’un an, malgré l’appel lancé par 59 anciens dirigeants du monde entier pour sa libération (dont Jimmy Carter, George Bush père, Bill Clinton, Fernando Henrique Cardoso, Vaclav Havel, John Major, Jacques Delors, Lionel Jospin, Junichiro Koizumi, Benazir Bhutto…). Douzième année de privation de liberté et de quasi isolement en 17 ans, sans aucune inculpation ni jugement. Le motif officiel ? Evasion fiscale ! Elle est accusée de ne pas avoir dépensé à l’intérieur du Myanmar la somme de 1,3 millions de dollars qu’elle a reçue avec son prix Nobel de la Paix… Des dizaines de personnes priant pour la libération de Suu Kyi dans divers temples ont également été arrêtées depuis le début du mois, essentiellement des membres de la LND.

En Birmanie, les violations des droits de l’Homme sont graves et systématiques : les prisons birmanes comptent plus de 1300 prisonniers d’opinion, le travail forcé est une pratique courante encore récemment condamnée par l’Organisation Internationale du Travail, et les enfants soldats sont légion.

Lors de l’une de ses rares périodes de liberté, Suu Kyi a été autorisée à donner quelques interviews. Je me souviens avoir découvert cette petite femme frêle, dotée d’une volonté et d’une force intérieure incroyables, demander aux touristes et aux hommes d’affaires de ne pas venir en Birmanie avant que le pays ne soit libéré. Et expliquer que, comme il réquisitionne la population pour assister l’armée lors de transports ou de déminages, pour construire routes et ponts à travers la jungle sans machines adaptées, l’état birman a systématiquement recours au travail forcé pour nettoyer et mettre en valeur les sites touristiques, expropriant les maisons occupées depuis des générations pour faire place nette.

Le tourisme finance directement la dictature militaire et entretient le travail forcé.

Voilà pourquoi je n’irai pas en Birmanie.

Pour respecter la demande de cette femme extraordinaire.

 

Sources : Wikipedia, nobelprize.org, Le Nouveau Courrier (Unesco), Amnesty International, FIDH, France Libertés, Bellaciao, Daw Aung San Suu Kyi

1 commentaire pour Soutien à Aung San Suu Kyi

  • Sur mon ancien blog

    L’être humain est odieux. S’il en fallait une preuve supplémentaire, tu nous la donnes.
    Commentaire n°1 posté par Prudence le 28/05/2007 à 12h34

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